Vous venez de finaliser la construction d'un super compresseur de modulation, d'un préampli, d'une console de mixage, d'une boite d'effet ou tout autre système de routage de signaux audio, et vous aimeriez bien ajouter un dispositif de visualisation de niveau BF. Seulement voilà, comment faire ? Acheter une paire de galvanomètres à aiguille et les brancher tel quel en sortie BF ? Non, ça risque fort de ne pas fonctionner.
Le texte qui suit va essayer de décrire ce qu'il faut faire pour offrir à votre dernier né (ou dernier achat) ce petit côté vivant qui s'il n'est pas forcement toujours précis, permet de "sentir par l'oeil" les petits soubressauts et silences de votre signal audio.
Avant d'aller plus loin, il est sans doute nécessaire de rappeler la fonction première du vu-mètre. C'est pourquoi je vous invite à faire un petit saut sur la page Mesure de niveau audio, paragraphe "Vu-mètre". Ce qu'on appelle vu-mètre est donc l'ensemble complet qui permet l'affichage du niveau moyenné d'un signal BF. Le composant à aiguille n'est pas un vumètre (même si dans certaines pubs on le voit présenté comme tel), mais bien un galvanomètre.
Un galvanomètre présente une certaine sensibilité, que l'on définie pour une déviation à pleine échelle pour un courant donné. Si vous jetez un oeil sur les caractéristiques techniques des galvanomètres existants, vous allez trouver des informations de type "Sensibilité 400 uA, Résistance 850 ohms". La valeur de la résistance de la bobine du galvanomètre exprimée en ohms n'est pas en relation directe de la sensibilité. En d'autres termes, ce n'est pas parce qu'un galvanomètre donné pour "Sensibilité 400 uA, Résistance 850 ohms" impliquera qu'un autre galvanomètre de sensibilité 200 uA présentera une résistance ohmique de 1700 ohms (double pour moitié). On peut très bien trouver des galvanomètres "Sensibilité 200 uA, Résistance 1200 ohms" et "Sensibilité 100 uA, Résistance 1200 ohms". Il est important de connaitre ces deux caractéristiques "Sensibilité pleine échelle" et "résistance ohmique" car ce sont elles qui indiquent quelle tension appliquer au galvanomètre pour le faire dévier un peu, beaucoup, passionnément.
Prenons l'exemple d'un galvanomètre "Sensibilité 400 uA, Résistance 850 ohms". Quelle tension continue est-il nécessaire de lui appliquer pour le faire dévier à pleine échelle (attention, pleine échelle ne signifie pas en butée, aiguille complètement collé au bord du cadre) ? Pas très compliqué, il suffit de connaitre l'élementaire loi d'ohm U = R*I. Dans notre exemple cela donne :
U = 850 * 0,0004 = 0,34 VdcSi la résistance interne du galvanomètre avait été 1200 ohms pour une sensibilité de 100 uA, la tension max nécessaire aurait été de :
U = 1200 * 0,0001 = 0,12 VdcComme on peut s'en apercevoir, il n'en faut pas beaucoup. Tel quel on dispose d'un voltmètre de forte sensibilité mais avec une résistance interne faible.
Remarque : la sensibilité du galvanomètre peut aussi s'exprimer sous la forme "Tant de divisions de l'échelle totale pour tant de courant", par exemple "une division d'échelle par uA". Ce qui rejoint sans incohérence l'expression de type "tant de uA pour déviation pleine échelle".
Vous pouvez fort bien récupérer un ou deux galvanomètres à aiguille d'un appareil HS pour les implanter ailleurs. Pour connaitre leur résistance interne, rien de plus simple, il suffit de la mesurer avec un ohmètre (de préférence à affichage numérique). La valeur lue sera bien souvent comprise entre 300 et 3000 ohms. Pour connaitre le courant nominal (sensibilité à pleine échelle), il faut leur appliquer une tension variable, jusqu'à ce que l'aiguille dévie jusqu'à sa graduation maximale.
Attention, une tension trop élevée pouvant entraîner la destruction du galvanomètre, il faut procéder de façon prudente, avec un petit montage adapté comme celui dont le schéma suit.
Remarque : certains galvanomètres possèdent 4 broches, deux pour faire dévier l'aiguille et deux pour alimenter un éclairage interne (luciole ou LED). Dans le doute, essayer avec les deux paires de broches.
Dans ce montage, une pile de 1,5 V fournit la tension nécessaire pour faire circuler un courant dans le galvanomètre. Comme une telle tension - même si elle paraît faible en absolu - est dangeureuse pour l'indicateur à aiguille, une résistance et un potentiomètre monté en résistance variable sont ajoutés en série pour limiter le courant. La procédure à suivre est la suivante :
1 - Mettre le potentiomètre RV1 en position maximale (curseur côté masse).Remarque : pour déterminer le courant dans le galvanomètre, vous pouvez aussi mettre un milli-ampèremètre en série dans le circuit au lieu de mettre un voltmètre aux bornes de R1.
Ca économise une formule et donc une consommation/fatigue inutile des neurones. Mais pour cela, votre appareil de mesure doit pouvoir afficher avec précision des valeurs d'intensité de courant très faibles.
Le galvanomètre est constitué d'une aiguille montée sur un support mobile, et cette aiguille va bouger sous l'effet d'un champs magnétique créé par le passage d'un courant continu dans une bobine de fil électrique. Pour réaliser un vumètre, il est nécessaire d'ajouter un circuit électronique pour piloter le galvanomètre, ceci pour au moins trois raisons principales :
1 - Le courant que peut fournir l'étage de sortie BF n'est pas toujours suffisant pour attaquer directement la bobine du galvanomètre, empêchant ainsi un débattement à pleine échelle,On peut réaliser un vu-mètre avec un galvanomètre, mais on peut aussi utiliser des leds ou des modules LCD permettant un affichage sous forme de bargraphe. Dans tous les cas, un étage électronique est nécessaire. Ce montage électronique peut être assez simple à réaliser (voirs schémas proposés à la page Affichage / Mesures). Mais il peut être plus complexe, selon l'élement qui servira d'affichage, et selon la ballistique (temps d'attaque et de relachement) désirée.
La plupart des circuits simples permettent un affichage grossier, qu'il est toujours possible d'étalonner pour l'affichage correct d'un bon zéro dB, mais dont l'affichage aux extrémités reste assez fantaisiste (cas du vumètre 001 que je qualifierais de vumètre décoratif). Ceci dit, cela peut tout à fait suffire pour certaines applications de contrôle général. Le synoptique ci-dessous résume les étapes à accomplir.
Exemple de convertisseur log avec AOP et transistor (non adapté pour vu-mètre, juste pour le principe).
Un signal audio est par nature alternatif et au point où on souhaite le prélever, il n'a pas forcement une amplitude suffisante. Il convient de l'amplifier si cela est nécessaire. Puis ensuite il faut le redresser, c'est à dire récupérer les alternances positives ou négatives (ou les deux), et les "lisser" pour pouvoir les afficher. Si on ne procèdait pas ainsi, la valeur moyenne affichée serait toujours voisine de zéro : lors des alternances négatives, l'aiguille du galvanomètre aurait tendance à aller à gauche et lors des alternances positives, elle aurait tendance à aller à droite. Avec l'inertie de la mécanique, l'aiguille ne bougerait que très peu, et on aurait l'impression qu'aucun signal n'est mesuré.
Le redressement, qui est donc obligatoire vous l'avez compris, peut être effectué par une ou plusieurs diodes. Il arrive parfois qu'on se contente de visualiser les alternances positives seules (dans ce cas, one tient pas compte des alternances négatives), principalement pour limiter la complexité du montage... et son coût de revient. Bien entendu, ne travailler qu'avec les alternances positives réduit la précision de l'affichage, mais cette façon de faire est assez répendue sur les appareils grand public. Un schéma de redresseur double alternance à diodes est présenté à la page Vu-mètre - Redresseur 001.
La ballistique correspond au temps de réponse (temps de réaction, ou temps d'attaque) du système d'affichage et au temps de relachement (le temps que met l'affichage pour retourner à zéro quand le signal audio disparaît). Un temps d'attaque de quelques centaines de ms (millisecondes) a été ainsi adopté pour le vu-mètre, il va sans dire que les crêtes (passages forts très brefs) n'ont pas le temps d'être prises en compte !
Dans ce domaine de "mesure", il faut trouver un compromis entre temps d'attaque rapide (pour ne pas louper les crêtes) et temps d'intégration (pour afficher une valeur qui soit le plus en relation possible avec la sensation de puissance sonore. Comme celà est difficile à réaliser avec un seul appareil, l'usage de deux affichages indépendants possédant chacun des ballistiques différentes peut être envisagé (un vu-mètre et un crête-mètre surveillant en même temps le même signal audio).
Notons en passant qu'il existe des systèmes d'affichage de type bargraphe qui permettent de montrer simultanement une valeur "Vu" et une valeur "Crête" d'un même signal. Pour cela, il est fait usage d'un commutateur rapide qui oriente alternativement l'entrée du système d'affichage proprement dit soit vers la sortie de la section Vu soit vers la sortie de la section Crête, assez rapidement pour que l'oeil n'y voit que du feu. Un galvanomètre à aiguille d'entrée de gamme ne peut être utilisé pour ce genre d'opération.
Remarque : la recherche des "meilleurs temps de réponse" par les techniciens et opérateurs du son a été difficile et longue, car le résultat visuel rendu par un vumètre ou crête-mètre dépend beaucoup du contenu sonore. Un constat est toutefois ressorti des nombreux tests : il est inutile d'afficher avec précision les très faibles niveaux audio (on n'est pas dans un contexte de mesure du niveau de bruit de fond), l'objectif est de se concentrer sur les niveaux qui approchent des valeurs susceptibles de poser un problème de saturation par écrêtage.
Selon la plage de dynamique à couvrir et à afficher (20 dB, 40 dB, voir plus), on peut faire usage d'un circuit de compression de dynamique. Oh, pas un système comme on peut l'imaginer pour compresser la dynamique d'un signal audio. Non, là il s'agit de comprimer la dynamique d'échelle d'un signal continu. Pour ce faire, on peut utiliser différentes méthodes, mais deux sont plus courement utilisées : l'amplificateur logarithmique et la compression successive par diodes.
La section "Dynamique" du synoptique précédent montre un ampli-op et un transistor cablé en contre réaction : il s'agit d'une méthode pour assurer une conversion linéaire vers logarithmique et permettre ainsi un affichage plus étendu. Sans ce type de convertisseur log, l'affichage est assez restreint, mais il est quasiment toujours omis sur des systèmes d'affichage simple (grand public).
L'amplificateur logarithmique est le plus souvent constitué d'un AOP monté en amplificateur, et dont la contre-réaction est de type non linéaire (jonctions d'un transistor par exemple). Les afficheurs "moyen de gamme" se contentent d'un convertisseur "pseudo-log" (conformateur à diodes par exemple) qui permet un affichage assez étendu mais sous forme de "segments de droite". C'est déjà beaucoup mieux même si ce n'est pas professionnel.
La compression successive par diodes fonctionne par paliers : on place en parallèle plusieurs "réseaux" de diodes en série, chaque réseau ayant un nombre différent de diodes, présentant ainsi des seuils de conduction différents. Selon l'amplitude du signal électrique appliqué simultanement à l'ensemble de ces réseaux, plus ou moins de diodes vont conduire et atténuer plus ou moins le signal. Les puristes diront que ce n'est pas précis, mais c'est simple à faire et ça donne tout de même la possibilité de couvrir une plage dynamique assez élevée.
Et puis, il existe les "vrais" convertisseurs log qui font monter le coût de réalisation, car réaliser un convertisseur log qui ne dérive pas trop avec la température ambiante demande certaines précautions (un convertisseur log "bon marché" n'affiche pas la même chose à 20°C et à 30°C). Pour traiter une grande plage dynamique, qui met en application des niveaux audio très faibles et des niveaux audio très élevés, il faut que toute la partie électronique qui gère la zone linéaire soit en mesure de le faire.
Il est certain que si vous vous interressez à ce sujet, vos recherches vous conduiront à ce que vous voulez. Peut-être au final tomberez-vous sur un circuit intégré miracle qui accepte en entrée un signal BF, et qui sort directement une tension continue redressée et "comprimée"... Il est vrai que des fois, au lieu de s'embêter avec des circuits complexes qui nous en apprennent trop...
L'interface de puissance est le dernier petit bout d'électronique qui permet d'attaquer en toute quiétude l'élement d'affichage (galvanomètre ou LED par exemple). Il peut s'agir d'un transistor, d'un AOP ou d'un circuit intégré spécialisé. Dans les circuits les plus simples (notement ceux à galvanomètre), l'élement de "puissance" est en même temps utilisé pour le redressement et pour la commande finale de l'élement d'affichage.
Pour les circuits de type bargraphe, il est souvent fait appel à des AOP montés en comparateurs de tension, chacun possédant un seuil bien défini (exemple avec le vumètre 005). Cela permet de définir précisement pour quel niveau chaque point de l'affichage doit s'activer. On peut aussi employer des diodes ou des transistors montés "en série" pour assurer des pas (des écarts) fixes entre chaque point d'affichage (exemple avec le vumètre 004), mais si cette méthode est simple, elle à l'inconvénient de ne pas permettre une large couverture (quelques dB la plupart du temps) et surtout de se faire avec une progression linéaire et non logarithmique.