Electronique > Théorie > La réverberation à ressort(s)

Dernière mise à jour : 21/02/2010

Réverbération et écho : quelle différence ?

On parle parfois d'une unité d'écho pour une unité de réverbération à ressort. Peut-on donc dire que écho et réverbération sont identiques ? Réponse : non, mais il y a en fait peu de différence entre les deux. La première différence concerne le temps qui s'écoule entre le moment où l'on entend le son d'origine, et le moment où l'on entend le premier son réverbéré (réfléchi sur une surface). La seconde différence concerne le nombre de fois que le son va se réfléchir, c'est à dire le nombre de fois qu'on va l'entendre se répéter.
Pour la réverbération, l'écart de temps entre chaque sons réfléchis est très bref, et l'oreille ne sait pas distinguer un son du précédent, c'est ce qui donne cette impression de raisonnance. Imaginez simplement que le son peut se répéter plusieurs dizaines ou plusieurs centaines de fois, sur une durée qui peut être très brêve (salle de bain) ou très longue (cathédrale).
Pour l'écho, l'écart de temps qui séparer chaque son est long, et l'oreille distingue parfaitement les répétitions (cri en montagne par exemple).
Ce n'est donc pas tant le temps pendant lequel durent les répétitions qui distingue les deux, mais le temps qui sépare chaque répétition. On peut avoir une durée d'effet plus courte avec un écho unique (un seul écho répété au bout d'une seconde par exemple), qu'avec une réverbération qui dure plusieures secondes (plusieurs centaines de répétitions espacées chacune de 20 ms par exemple).

Et on peut faire ça soi-même ?

Pour fabriquer un montage qui "imite" la réverbération ou l'écho, il suffit de faire passer le signal audio dans un système qui le retarde plus ou moins longtemps, et de mélanger plus ou moins le signal en sortie de ce sytème de retard (signal retardé) avec celui d'origine (signal non retardé) pour permettre le dosage (la force) de l'effet.

electronique_reverb_ressort_syno_002

En même temps, on peut reprendre le signal de sortie pour le remettre en entrée (on appelle ça une réinjection, ou un rebouclage), de telle sorte que le signal qui a été retardé reffasse un nouveau tour de manège et subisse un nouveau retard. Et ainsi de suite.

electronique_reverb_ressort_syno_003

Il est important que l'amplitude du signal réinjecté à l'entrée soit inférieur à l'amplitude du signal d'origine, afin de produire une décroissance progressive du signal réverbéré en sortie finale. Si l'amplitude du signal réinjecté est trop importante, le signal de sortie va enfler de plus en plus jusqu'à atteindre le niveau de saturation, ce qui la plupart du temps n'est pas recherché. Il est assez amusant (mais peu utilisable en pratique musicale) de trouver le point d'équilibre qui rend un son presque persistant en sortie, c'est à dire avec une réinjection dont le niveau équivaut quasiment à celui du signal source. Si le système de retard que vous utilisez permet de retarder le son sur une longue période (plusieurs centaines de millisecondes ou plusieurs secondes), vous pourrez alors produire un effet d'écho. Si le retard est faible (quelques millisecondes ou quelques dizaines de millisecondes), vous serez en mesure de créer un effet de réverbération. Il existe plusieurs systèmes permettant de retarder un signal audio : des circuits intégrés analogiques spécialisés tel le Reticon SAD1024, des système numériques à base de convertisseurs A/N/A et de mémoires, et des lignes à ressorts (système analogique). Ces dernières, même si elles n'offrent pas des performances exceptionnelles, nécessitent en revanche peu de composants et sont très faciles à mettre en oeuvre.

Ligne à retard à ressort(s)

La ligne à retard à ressort est basée sur le principe de la transmission du son sur un élement mécanique, en l'occurence sur un ressort. Comme le son se propage lentement sur un tel support, il est possible de le retarder assez facilement même sans utiliser une grande longueur de ressort. Mais comment faire "passer" le son, qui se trouve sous une forme électrique, dans un élement mécanique, et comment le récupérer ensuite ? Ce n'est pas compliqué du tout ! On utilise les propriétés électromagnétiques d'un transducteur (ici une simple bobine de fil), qui va permettre de passer d'un domaine à l'autre (électrique vers mécanique, et inversement).

electronique_reverb_ressort_syno_001

Regardez la photo ci-dessous, qui montre un exemple de ligne à retard à ressorts (il s'agit là d'un petit modèle - RE21, il en existe des bien plus grandes).

Ligne a retard a ressort

Vous voyez les extrémités des ressorts ? Elles sont fixées sur des petits aimants, eux-mêmes situés dans l'entrefer d'une bobine (bloc métallique en forme de U allongé).

Transducteur 001 Transducteur 002

Les deux petites bobines sont appelées transducteur (certains l'appellent un transformateur), car elles permettent de passer du domaine mécanique à électrique, ou inversement (tout comme le permettent un microphone ou un haut-parleur). D'un côté on a un petit transducteur qui crée un champs magnétique quand un courant la parcours. Ce courant est fourni par la sortie d'un petit ampli BF (quelques dizaines ou centaines de mW) qui reçoit le signal audio à traiter. Le champs magnétique créé est canalisé par l'entrefer en forme de U, au centre duquel sont placés les aimants. Ces derniers, mus par les variations de champs magnétiques, font bouger les ressorts qui y sont mécaniquement fixés. Le ressort vibre alors au rythme du son. La vibration mécanique se transmet d'un bout à l'autre, pour atteindre l'autre transducteur qui va se comporter de façon opposée : la vibration du ressort occasionne le mouvement du petit aimant situé dans l'entrefer de l'autre bobinage, ce mouvement mécanique crée une variation de champs magnétique... qui occasionne une variation de tension aux borne du second transducteur. Et voilà ! Le son, sous forme électrique au départ, a été transporté sous forme mécanique par un banal ressort, a effectué plusieurs aller-retours entre les deux extrémités, et à chaque "aller", a été reconstitué sous une forme électrique plus facile à utiliser pour lui faire suivre le reste de son chemin : votre enregistreur ou votre ampli... Notez que c'est grâce aux aller-retours consécutifs que le son dure aussi longtemps. Avec un seul aller, le temps de réverbération serait très court et vous n'entendriez pas grande différence entre signal direct et signal retardé (en terme de temps).

Remarques :
- sur certaines lignes à ressorts, le sens d'enroulement des ressorts change au milieu de ces derniers, ce qui crée un obstacle pour la vibration et cause le retour partiel de l'onde vibratoire dans l'autre sens : on dispose alors de deux "fronts" d'onde qui donnent un rendu sonore différent de ce que l'on a avec un ressort classique.
- sur certaines lignes à ressorts, les deux ressorts ne sont pas de la même longueur, ce qui provoque des temps de retard différents pour chacun, avec là encore un rendu sonore plus spécifique que celui obtenu avec deux ressorts de longueurs identiques.

Dégradation sonore
Il est vrai que la propagation du son dans un élement mécanique occasionne une forte dégradation de certaines fréquences (graves et aigus) et que cette dégradation s'accentue au fil des aller-retours. Mais le résultat sonore obtenu est tout de même très interressant et parfaitement exploitable. La  preuve en est que les réverbérations de ce type sont toujours appréciées de beaucoup de musiciens, le son n'a vraiment rien à voir avec les réverbérations tout numérique bien propres.

Mise en oeuvre

La mise en oeuvre d'une ligne à retard à ressort nécessite trois sections électroniques distinctes :
- Un petit amplificateur BF, qui se charge de fournir une puissance suffisante au transducteur d'entrée. On ne peut en effet pas se contenter d'un signal audio niveau ligne pour assurer un champ magnétique suffisement et capable de faire bouger les ressorts. Un petit ampli BF basé sur un ampli intégré de type LM386 conviendra parfaitement. Exemple de montage à base de LM386 (dans cet exemple, la sortie du LM386 sera reliée au transducteur d'entrée au lieu d'être reliée à un haut-parleur). Vous pouvez aussi tout à fait récupérer la partie amplificateur d'un petit poste de radio à bas coût, ça peut toujours être ça de gagné (voir page Ampli BF 005). Certains fabriquants optent pour un ampli en courant au lieu d'un ampli en tension, ce dernier restant malgré tout le plus répendu. L'intérêt d'un amplificateur attaquant le transducteur d'entrée en courant et non en tension, est d'après leurs concepteurs, une fidélité sonore accrue.
- Un petit préampli BF, destiné à amplifier le faible signal électrique disponible sur les bornes du transducteur de sortie, et à l'amener à un niveau ligne. Ce préampli pourra être un modèle pour microphone avec toutefois un gain assez modéré (plutôt 20 dB à 30 dB plutôt que 40 à 55 dB).
- Une alimentation secteur pour alimenter ces deux sections. L'usage de piles n'est pas recommandé, du fait de la présence d'un ampli BF qui, même s'il n'est pas d'une puissance extraordinaire, aura vite fait de vider ces petites sources d'énergie.

electronique_reverb_ressort_syno_004

Conseil pour une meilleur qualité sonore
Il est conseillé de filtrer le signal audio à amplifier de façon à réduire les fréquences basses (en dessous de 300 Hz), d'amplifier légèrement les fréquences comprises entre 300 Hz et 3 KHz, puis ensuite d'atténuer au dessus de 10 KHz. La réduction des fréquences basses permet de "pousser" un peu plus le volume à l'entrée du premier transducteur avant d'arriver au seuil de saturation, et de gagner en rapport signal/bruit. Opérer de la même façon côté reception permet aussi de gagner en performances, les basses et les aigus n'étant de toute façon pas transmis par les ressorts.

Exemples de schémas électroniques
Réverbération à ressort 001 - Exemple d'un schéma (qui n'est pas de moi) que j'ai mis en oeuvre il y a bien longtemps.
Module Telecontrolli SG2 tout fait pour unité reverb à ressorts - Pour ceux qui recherchent vraiment la simplicité (attention, le module SG2 n'effectue aucun filtrage BF ni en entrée ni en sortie).

Fabrication d'une ligne à retard à ressort

Vous êtes nombreux à m'écrire pour me demander des précisions sur le fonctionnement de la ligne à retard à ressort, ou pour me demander des informations concernant sa construction. Je précise que je n'ai jamais construit un tel objet, j'en ai juste acheté une toute faite (c'est celle de la photo). Difficile pour moi donc, qui n'ai pas d'expérience pratique de construction de ce genre de chose, de vous dire précisement comment faire, et quels sont les matériaux les plus appropriés, et comment relier les aimants sur le support pour leur permettre de rester "souples" et mobiles.

Caractéristiques principales de quelques lignes à ressort

Le tableau qui suit comporte quelques valeurs caractéristiques de quelques lignes à retard à ressort. La RE21 est plus renseignée car j'ai mesuré moi-même des points que je n'ai pas trouvé dans les docs constructeur.


RE4
RE6
RE16
RE20
RE21
Courant d'entrée maxi
350 mA
350 mA 350 mA 350 mA 350 mA
Impédance d'entrée
16 ohms
16 ohms 16 ohms 8 ohms 8 ohms (Nota 1)
Résistance d'entrée (en continu)
-
-
-
-
1,5 ohms
Inductance d'entrée
-
-
-
-
1 mH
Impédance de sortie
10 Kohms
10 Kohms 10 Kohms 3 Kohms 3 Kohms
Résistance de sortie (en continu)
-
-
-
-
470 ohms
Inductance de sortie
-
-
-
-
420 mH
Réponse en fréquence
100 Hz - 3 KHz
100 Hz - 3 KHz 50 Hz - 5 KHz 100 Hz - 3 KHz 100 Hz - 3 KHz
Sensibilité
-35 dB
-27 dB -30 dB -40 dB
- 32 dB
Temps de réverbération
2,5 s à 1 KHz
2,5 s à 1 KHz 2,4 s à 1 KHz 1,8 s à 1 KHz 1,4 s à 1 KHz
Retard
25 ms à 30 ms
25 ms à 30 ms 35 ms à 40 ms 25 ms
15 ms
Dimensions (mm)
230 x 55 x 30
253 x 36 x 26
425 x 96 x 34
140 x 27 x 23
103 x 33 x 22
Longueur ressorts
-
-
-
-
environ 5 cm
Poids
210 g
145 g
1000 g
25 g
25 g
Nota 1 : certaines pubs de l'époque indiquaient une impédance d'entrée de 8 ohms, d'autres indiquaient une impédance d'entrée de 3 ohms.

Ma petite RE21 est bien légère (en poids et en caractéristiques), comparée à la RE16...

Avertissements

La ligne à retard à ressort présente deux inconvénients principaux, mais en faisant attention, ces inconvénients ne sont plus majeurs.
- Les transducteurs étant des bobines, ils sont sensibles aux rayonnements magnétiques. Il faut donc éviter de placer une telle unité à ressort à côté d'un transformateur, surtout si ce dernier n'est pas torique ou de type "R" (c'est à dire s'il s'agit d'un modèle classique). Les fuites magnétiques d'un tel transformateur peuvent en effet être induites (captées) par les transducteurs et restituées sous forme de magnifiques ronflettes (surtout vrai pour le transducteur de sortie) ! Notons au passage qu'il existe des modèles de ligne à retard blindés, l'ensemble étant placé sous capot métallique, les connections aux transducteurs se faisant au travers de petits connecteurs type RCA fixés sur le blindage.

Ligne a retard a ressort 003

- Sensibilité au choc : Comme les ressorts sont montés de telle sorte qu'ils puissent vibrer avec un faible champs magnétique, ils sont tout naturellement sensibles à tout choc ou mouvement un peu brusque, qui peut se traduire par un son parasite résonnant durable (parasite qui peu devenir source sonore de jeu si on trouve ça amusant ou constructif).
DDDZZZZIIIIIHHHHOOOOOONNNNNGGGGGGZZZZZZ....