Dernière mise à jour :
21/05/2009
J'ai monté ma radio...
J'ai
fêté mes 14 ans quelques jours après avoir
finalisé ma première radio locale. C'était en
1980. J'ai fabriqué moi-même le microphone, le casque, les platines
disque vinyl, la table de mixage, le compresseur de modulation,
l'égaliseur, l'émetteur FM et l'antenne. Tout ce
petit monde était raccordé à une prise secteur
unique au travers d'une procession de prises multiples, qui faisaient
se dresser les cheveux de ma maman sur sa tête. Tout cela dans ma
chambre, à côté de mon lit, et surtout à
côté du lit de mon frère avec qui je partageait
l'espace. Mon frère, qui devait aussi partager avec moi et
malgré lui le réveil du dimanche matin sous le titre
"Electricity" de OMD (Orchestral Manoeuvre In The Dark) servant de
générique de début d'émission, et d'un
tonitruant "Bonjour, vous écoutez Radio-Space 101, merci
d'être à l'écoute et bonne journée à
tous".
Ca marche, ça marche pas...
Cette radio a été une grande aventure pour moi. Une
source immense de découverte, et de déceptions, aussi. Je
garantie à 100% que construire soi-même les
différents élements d'une radio est extrêmement
enrichissant. Je garantie aussi qu'il faut s'accrocher quand ça
ne fonctionne pas. L'envie de tout abandonner m'a traversé
l'esprit plusieurs fois, surtout quand l'émetteur radio refusait
de fonctionner correctement 10 minutes avant le début de
l'émission. Je dois avouer que si j'ai tenu bon, c'est un peu
grâce à ma persévérence. Mais il serait
injuste d'oublier de préciser que c'est surtout grâce
à l'aide que m'ont apporté mon papa (qui m'a fait
découvrir l'électronique et surtout donné envie de
m'y interresser) et mon parrain Dominique (un spécialiste de la
RF, qui m'a aussi beaucoup appris et a - entre autre - hautement
fiabilisé mon émetteur FM).
Fabrication du microphone
Une petite capsule à electret à 1 franc, entourée
de mousse et placée dans un tube en bakélite, avec
alimentation fournie par le préampli (alimentation Phantom avant
même que je n'en entende parler). Sensibilité largement
suffisante, problèmes de plop facilement résolu par de la
mousse sur le devant, bande passante correcte (même avec la
mousse). En bref, un son qui convenait bien pour ma voix, et qui
collait bien au mixage avec la musique. J'ai gardé ce microphone
de fortune relativement longtemps, vu qu'il me donnait satisfaction
(c'est celui que l'on voit sur la photo en début de page). En
fait, je n'ai dû en changer que plus tard, quand j'ai
commencé la Disco-Mobile. Parce que ça ne faisait tout de
même pas très sérieux...
Fabrication du casque
J'ai
fabriqué un seul casque dans ma vie. Il était de type
stéréo, et était
composé de deux petits haut-parleurs de quelques
centimètres de
diamètre, sur lesquels j'avais fixé de la mousse
découpée en cercle,
par respect pour mes lobes d'oreilles. Les deux "écouteurs"
étaient fixées avec
un ensemble de pièces "mecano" raccordées par vis et
collés sur l'aimant des HP. Bien entendu, les
résultats n'étaient pas au top des performances, mais la
fonction
souhaitée était bien là. Je pouvais brancher
directement ce casque de fortune sur une sortie casque classique, le
volume était suffisant pour moi.
Fabrication des platines disque vinyl
Et oui. Il fut une époque où l'on trouvait des plateaux
tourne disque sans meuble, un peu à la manière de
certaines gazinières à encastrer.
J'en avais
acheté deux qui coutaient 49 francs pièce et que
j'avais incorporées à un meuble en bois fait maison, et
au centre duquel trônait ma première console de mixage. Oh
bien sûr, il n'aurait pas été question de fabriquer
la mécanique entière, j'en aurais été bien
incapable. Mais c'était déjà du kit
interressant et peu couteux pour démarrer. Comment voulez-vous
rivaliser avec une Technics SL1200 quand vous êtes
étudiant âgé de 14 ans, hum ?
Fabrication de la table de mixage
Ma première "table" était constituée de cinq
potentiomètres rotatifs (1 pour le microphone, deux pour les
platines disque, deux autres pour les auxiliaires). Je crois que je me
souviendrai longtemps de cet exercice de style qui consistait à
tourner un potentiomètre dans un sens pendant qu'on tournait un
autre dans l'autre sens, pour réaliser un fondu
enchainé... Je vous invite à essayer, ne serait-ce
qu'avec les boutons Graves et Aigus de votre chaine HiFi, juste pour
sentir la chose. Il m'a fallu attendre presque un an pour me faire une
autre table de mixage, cette fois avec des potentiomètres
rectilignes, et des préamplis de meilleur qualité. Enfin
quand je dis de meilleur qualité, j'avoue n'avoir pas eu
auparavant de notion de mauvaise qualité. La voix et la musique
"passaient bien", c'était le principal pour moi.
Fabrication du compresseur de modulation
J'ai fabriqué cet ustensile pour une seule raison : copier le
son d'une grosse radio qui venait de naitre dans la région, son
dans lequel certaines fréquences ressortaient
particulièrement bien et étaient flatteuses à
l'oreille. J'étais alors persuadé que l'ajout d'une
compression de modulation était l'ultime solution pour obtenir
la "pêche" dont bénéficiait cette radio. Bien
entendu, je me suis rapidement rendu compte que je m'étais
totalement planté. C'est pourquoi j'ai poursuivi par la
réalisation d'un égaliseur. En me disant "Cette fois...".
Fabrication de l'égaliseur
Je revois encore cet égaliseur 5 bandes, à
potentiomètres rotatifs (pas les mêmes contraintes de
temps réel qu'avec la console de mixage n'est-ce pas),
monté dans un petit boitier alu d'environ 1U de haut et large
comme 6 potentiomètres rotatifs. Aucune inscription, aucune
sérigraphie, un boitier on ne pouvait plus nu. Oh, il
était fonctionnel mon égaliseur ! Mais il ne m'a pas
permis ce que j'espérais en obtenir. Pas grâve, je l'ai
tout de même laissé, et ma radio a conservé sa
sonorité basique d'une radio amateur mais néanmoins
parfaitement écoutable.
Fabrication de l'émetteur FM
Ce fut je dois l'avouer, le plus gros morceau. Et la source la plus
importante de mes crises et deceptions. J'avais réalisé
un émetteur FM sur un circuit imprimé qui comportait la
partie RF et la partie BF sans aucune séparation, et la RF
perturbait le plus simplement du monde la section BF, via un plan de
masse côté composants non raccordé (...) et au travers de la ligne
d'alimentation qui ne possédait au début aucun découplage HF (facile à
rappeler une fois que c'est corrigé). Il s'agissait
typiquement du genre de problème que je ne pouvais absolument
pas comprendre et encore moins résoudre seul, par manque de
connaissances et d'expérience. L'émetteur est parti deux
semaines chez mon parrain et est revenu, parfaitement fonctionnel ! Sa
puissance de 3W HF suffisait pour desservir les quelques centaines de
mètres alentours, je me souviens du mal que j'avais eu pour
trouver des transistors de sortie (des 2N3553), que j'avais finalement
trouvé chez un revendeur local spécialisé dans la vente de composants
pour radio-amateurs. Je me souviens aussi
que ces transistors avaient fait mal à mon portefeuille (c'est
marrant comme certaines choses restent gravées en
mémoire). Mon émetteur (fort similaire à celui présenté en page
émetteur FM 003)
diffusait un signal audio
monophonique, car à l'époque, la construction d'un codeur
stéréo me semblait inabordable, en tout cas trop
compliqué avec mes connaissances de l'époque. Par la
suite (en réalité bien des années plus tard), j'ai
développé un émetteur FM stéréo avec
compresseur de modulation intégré, dont la
réalisation est décrite dans un ouvrage destiné
aux débutants (avertis) et édité chez Dunod :
Construisez
votre émetteur FM.
Fabrication de l'antenne
J'avais déjà à ce moment de ma vie, une certaine
notion de la puissance réfléchie et des pertes
liées à un mauvais accord de l'antenne. Connaissance
liée à l'utilisation d'une CB et de ses accessoires
(antenne, ROS-mètre) prêtés par mon parrain pour
une période de 6 mois. Ceci dit, je me suis contenté de
calculer la longueur de l'antenne sur une base de 1/4 d'onde à
101 MHz, et de découper une tige filetée en respectant les
cotes. Mais je ne l'ai jamais accordée plus que ça !
L'antenne fut fixée sur le rebord de la fenêtre de ma
chambre, avec un déport d'environ 1 mètre. Autant dire le
relative directivité de l'ensemble, peu gênante du fait
que ma maison était située en bordure du village... et
que ma chambre était du bon côté ! J'ai eu un mal
fou pour obtenir de mes parents, l'autorisation d'agrandir un trou sous
la fenêtre pour y faire passer le cable coaxial, mais ce point a
été finalement assez rapidement "négocié".
Ma tournée du village
J'ai effectuée une tournée du village (500 habitants)
pour deux raisons. La première était de déterminer
la zone de couverture (j'emploie aujourd'hui des termes dont j'ignorais
l'existence à l'époque), afin de m'assurer que tout le
monde recevait bien la radio. Cette action, rapide, se résumait
à me promener de rues en rues avec un petit récepteur
portable. La deuxième était de passer chez les gens pour
effectuer un "sondage des besoins" et connaitre les attentes
principales des auditeurs potentiels, en termes de goûts
musicaux. Certains habitants du village, pour être sûr
d'entendre des chansons qu'ils aimaient, n'hésitèrent pas
à me prêter leur propres disques ! Je ne sais toujours pas
comment j'ai réussi à passer cette étape de porte
à porte, connaissant mon naturel extrêmement timide de
l'époque. Cette radio a tout de même été une
sacrée "excuse" pour faire la connaissance de l'ensemble des
gens du village. Je ne regrette pas.
Vous avez dit autorisation ?
Mon parrain, qui bossait alors à Radiocom 2000 (ancêtre du
téléphone portable, reservé alors aux
professionnels), m'avait mis en garde. Le risque de brouillage d'une
télé chez un voisin peut occasionner des soucis avec
l'administration. De plus, à partir d'une certaine puissance, il
faut demander une autorisation. Je me suis donc rendu à une
agence des Télécommunications, et ai parlé de mon
projet (déjà démarré) à un
responsable de je ne sais plus quel service. Suite à ma
description de la chose, ce dernier à dû rapidement se
rendre compte de l'aspect réellement amateur de mon
installation, et m'a certifié que je n'avais pas besoin
d'autorisation. Il a cependant insisté sur le fait que je devais
mettre tout en oeuvre pour ne perturber aucune installation dans le
voisinage, et que sous ces conditions seulement, mon installation
serait parfaitement tolérée. Imaginez à quel point
je suis ressorti rassuré de l'agence, de ne pas devoir passer
par un tas de paperasses dont l'issue n'aurait pas forcement
été positive ! J'étais content. Ce qui n'a pas
empêché un jour, la réception d'un coup de
téléphone où un monsieur fort
désagréable avait fait peur à ma maman en lui
spécifiant que son fils, ayant monté une radio pirate,
aurait de graves ennuis ! Croyez-le ou non, nous avons mis ce coup de
fil sur le compte d'une mauvaise blague, et n'en n'avons plus jamais
entendu parler. Etant à ce jour plus proche du domaine de la
radio (de part mon métier actuel), je me demande aujourd'hui
encore dans quelle mesure j'aurais pû etre fautif et
pénalisable. Toujours est-il qu'il me semble évident
maintenant qu'une attestation d'autorisation écrite noire sur
blanc aurait tout de même été
préférable...
Les moments mémorables
André Trichot
J'ai fait la connaissance de André Trichot, un
accordéoniste de la région, à un moment où
il dédicassait ses disques à l'entrée d'une grande
surface, à Auxerre. Je lui ai simplement proposé une
petite "interview" chez moi, qu'il a aussitôt acceptée,
malgré la portée restreinte de la radio, et malgré
mes 15 ou 16 ans de haut. Il est donc venu un dimanche matin avec une
de ses élèves, après une nuit de travail et de
route sans repos. Et comme celà devait se faire tout
naturellement, il a joué en direct sur notre "antenne". Si ce
direct spontané n'a suscité que quelques appels
téléphoniques d'habitants du village, ce fut pour moi une
super expérience, amplifiée par la simplicité
même de André.
Directs de matches de foot
J'ai profité du prêt de la CB de mon parrain pour
réaliser des directs de matches de foot joués sur un
terrain situé en haut de mon village (presque à
porté de vue de ma maison). Pour celà, la CB était
installée dans une brouette, avec une batterie de voiture et une
antenne GP27 (2,75 mètres de haut) fixée sur la brouette
même. Mon voisin Patrice, qui avait le même âge que
moi, s'était désigné volontaire pour effectuer le
commentaire des matches. La reception avait lieu sur un Talkie-Walkie
relié sur une entrée auxiliaire de ma console, et l'autre
voie ("montante") était assurée sans préparation,
Patrice se contentant d'une écoute sur un récepteur FM
avec casque, de l'émission elle-même. Pas de signal de
préparation donc, un vrai direct, avec toute l'attention que
celà pouvait demander. Vous imaginez bien...
Une allemande en direct
Je n'ai jamais eu autant d'appels téléphoniques que ce
jour où une correspondante allemande de mon voisin est venu
"causer" dans le micro. Elle parlait un français suffisement
correct pour que les échanges ne soient ni interminables, ni
farfelus. Une grande discussion a vu le jour suite à la
diffusion d'un titre de l'artiste Nena, qui était à cet
instant un tube en France, mais qui était aussi
considéré comme d'un niveau intellectuel très bas
en Allemagne. Je me souviens d'une de ses phrases, qui nous avais un
peu marqué : "Vous, vous avez Chantal Goya". Curieuse analogie,
mais qui dans son esprit avait sans doute ses raisons d'être.
Les dons des commerçants
Mon village de 500 habitants comptait à l'époque
plusieurs commerces, que j'ai vu disparaitre l'un après l'autre.
Les dirigeants de ces petites boutiques m'offraient
régulièrement des petits cadeaux à mettre en jeux
(à faire gagner aux auditeurs). Il s'agissait le plus souvent de
patisseries, de bouteilles de vin, de boites de chocolats. Quand je
repense à cette générosité... des boutiques
qui battaient déjà un peu de l'aile, et rien en
échange, si ce n'est un peu de bonheur de participer à
une aventure collective plus que locale. Je crois que je peux les
remercier une fois de plus !