Dernière mise à jour :
26/09/2012
Présentation
Se mettre à hauteur ou à niveau. Voilà qui
pourrait bien faire penser à une évolution matérielle, logicielle ou
pourquoi pas humaine. Parce que vous le savez comme moi, qui n'avance
pas recule. Et une machine qui n'est pas à la hauteur est dépassée. Les actionnaires parlent ainsi de "leurs" employés. Mais
ce n'est pas tout à fait de ça dont il s'agit ici. Je veux en effet
parler de la faculté de se mettre à la hauteur de ses élèves ou de ses
enfants.
Se mettre à hauteur de ses élèves
Cela signifie deux choses pour moi :
- se mettre à la place de l'élève pour
comprendre ce qu'il n'a pas compris ou ce qu'il cherche à savoir;
- réussir à expliquer avec le même "langage" que celui utilisé par
l'élève pour poser la question, pour donner à notre réponse plus de
chance d'être comprise. Savoir parler avec les mots de l'autre et non avec les
siens, en quelque sorte.
C'est
un exercice parfois un peu difficile, mais il
est bien rare de ne pas y parvenir. Mes élèves sont
parfois plus âgés
que moi, mais dans le fond il me semble que l'âge ne change pas
grand
chose. Un élève qui sent qu'on s'intéresse
à son problème a bien plus
de chance de comprendre ce qu'on va lui répondre. Comme s'il
sentait
qu'on faisait tout pour ne pas le laisser dans l'embarras, et
qu'il redoublait d'effort pour nous entendre à son tour. Le plus
dur
dans l'affaire n'est pas de mettre son ou ses interlocuteurs à
l'aise,
on y arrive assez vite (il suffit d'ammener des croissants ou une
plaisanterie au moment de l'accueil, et le tour est joué). Non,
le plus
dur est d'admettre qu'au fil des ans, les sujets de base
s'éloignent de
notre esprit et laissent placent aux sujets plus évolués.
Et plus le temps passe, plus les choses compliquées deviennent
simples. Il me semble
qu'on peut faire l'analogie avec la boîte de vitesse et la
pédale
d'embrayage d'une voiture. Au début de l'apprentissage de la
conduite,
on attache une grande importance à ces "objets" car leur bonne
manutention conditionne la qualité de la conduite. Si on les
manipule mal, on a droit à des soubressauts. Et après
quelques
années de conduite on les manipule de façon
mécanique, sans y réfléchir
plus que ça. Que l'on conduise bien ou moins bien, d'ailleurs !
Avec
l'électronique ou tout autre sujet technique, c'est un peu la
même chose. On a facilement tendance à
oublier les difficultés éprouvées à nos
débuts.
Heureusement que de
temps en temps un élève me demande "dans quel sens
brancher une résistance". Ca me remet parfois sur les rails de
ce qu'on
appelle les "bases de la simplicité"... Quand les gens me
sollicitent, j'entend un nombre incalculable de fois une question qui
commence ainsi "Excusez-moi si ma question vous paraît idiote ou
basique, mais...". Je ne vois pas comment une question peut
paraître idiote ou basique. Si on la pose, c'est qu'on veut en
savoir plus, et la recherche du perfectionnement est loin d'être
idiot. Comment un enfant pourrait-il devenir un adulte s'il ne posait
aucune question ? Comment un professionnel pourrait-il devenir amateur
(ou inversement) s'il ne se remettait jamais en cause ? Posez vos
questions, posez encore des questions, et demandez ce que vous voulez
savoir. Jusqu'à plus soif. Si untel ne peut y répondre,
allez demander à quelqu'un d'autre. Ce n'est pas plus
compliqué que ça.
Se mettre à hauteur de ses enfants
Là, c'est un peu différent, puisqu'il s'agit d'une mise à niveau "morale" mais aussi
physique.
- S'accroupir en se brossant les dents pour que l'enfant qui apprend tout
juste comment faire voit mieux comment l'adulte s'y prend.
- Se mettre à genoux pour accrocher son blouson sur le
porte-manteau situé à porté de main... de
l'adulte.
- Manger en s'assayant sur une table pour avoir une
idée du ressenti d'un enfant assis avec les pieds qui ne
touchent pas le sol.
Ce
ne sont là que quelques exercices simples qui nous en disent
beaucoup sur ces petites choses qui freinent l'apprentissage
de nos petits. Car vous l'avez sans doute remarqué comme moi, les
enfants aiment faire beaucoup de choses de leurs propres mains. Des
fois pour nous faire plaisir, mais avant tout parce que cela fait
partie de l'apprentissage nécessaire à leur croissance intellectuelle
et manuelle. Je me dis tout les jours que j'ai encore des tas de choses
à apprendre, et pourtant je sais déjà marcher, lire, parler et écrire.
Je sais assembler des composants électroniques sur un circuit imprimé.
Je sais faire la vaisselle, le ménage et repasser le linge (je ne
cherche pas à me vendre). Je ne me souviens pas de ce que j'ai ressenti
tout petit,
découvrant qu'on pouvait se déplacer debout sur ses jambes ou tenir des
objets avec ses petits doigts. Mais en revanche, j'ai pu voir le
plaisir que cela procurait sur le visage de mes enfants quand il
faisaient les
mêmes découvertes. Alors mettons-nous un peu à leur place, et :
- allongeons-nous quelques instants par terre sur le dos, avec notre
téléphone portable à une distance suffisante pour ne pas pouvoir
l'attrapper quand il sonne. Ca va, pas trop frustré ?
- Installons-nous tranquilement sur notre siège de voiture, attachons
notre ceinture et attendons une heure dans cette position, voiture
arrêtée et sans aucune autre occupation qu'un jeu de cartes pour distraire nos petits
doigts. Ca va, pas trop lassé ? Ca ne
vous rappelle rien ?
- Si vous êtes un peu bricoleur, essayez de
vous faire une petite cabane avec des barreaux de bois aussi haut que
vous, sur une superficie de quelques mètres carrés. Puis restez-y une
petite heure avec deux ou trois jouets de votre choix (jeu
électronique, livre ou rubicube). Ca va, pas trop envie de prendre l'air ?
Et oui, il faut donner les moyens aux enfants de découvrir, de
tester, et de se tromper bien sûr. Mais en même temps, ne
pas forcer l'autonomisation sous prétexte que la petite
tête deviendra plus vite grosse avec le grand avantage de
permettre de se débrouiller tout seul très vite. Soyons
simplement là quand l'enfant en a besoin, et mettons entre ses
mains des objets à sa hauteur et sans danger pour lui. Un matin,
j'ai emmené deux de mes enfants se promener dans la forêt.
Avant d'y parvenir, nous avons tous les trois traversé des
herbes hautes (assez hautes pour qu'elles dépassent leur
tête). Je me suis recroquevillé pour marcher à leur
côté avec ma tête à la hauteur des leurs.
C'est plus facile de voir où on pose les pieds et on discerne
bien mieux les petites bêtes qu'on bouscule. Il est vrai aussi
que ça fatigue un peu plus vite... l'adulte. Ce même jour,
nous avons eu l'immense privilège de voir tomber un arbre de
grande taille, dans la forêt en question. Nous étions en
train d'observer ses racines qui sortaient un peu de terre, quand nous
avons constaté ensemble que des petits bouts de terre bougeait
un peu autour des racines. Sur le moment, nous pensions que des petites bêtes étaient responsables de
ces mouvements. Mais on ne voyait aucune bête. Et nous avons
alors commencé à entendre des petits craquements pendant
que des morceaux de terre se détachaient des racines. J'ai
compris d'un seul coup ce qui se passait et j'ai crié en tirant
mes enfants en arrière par les bras. "L'arbre tombe !" Nous
avons regardé l'arbre se déraciner sous nos yeux, tombant
en faisant un bruit de plus en plus fort jusqu'à ce qu'il
s'arrête, bloqué à mi-parcours par les branches
d'un autre arbre. Nous avons eu réellement très peur tous
les trois. Il faut dire que ce type de spectacle n'arrive pas tous les
jours ! On s'est assis tous les trois à côté de
l'arbre en question et on a discuté. Discuté de nos
peurs, évidement. Pas question de dire "Aucune raison d'avoir
peur, vous voyez, on ne risque rien". Se mettre à la hauteur de
ses enfants, c'est savoir les rassurer quand ils en ont besoin, mais
c'est aussi leur montrer que nous ne sommes pas des surhommes...
Le temps passe si vite...
Se
mettre à hauteur, c'est aussi savoir être patient. Il faut
parfois pas
mal de temps pour expliquer certaines choses ou pour que l'acquis se
fasse. Apprendre à lacer ses chaussures ou à laver une
table sans
laisser une seule trace ne se fait pas forcément en une
journée.
Comprendre une équation mathématique n'est pas toujours
évident. Il
faut laisser le temps aux enfants d'apprendre, chacun à son
rythme. Il
ne s'agit pas toujours d'une chose aisée à accomplir,
surtout à notre
époque où tout doit être torché en un
minimum de temps. Qu'il serait
agréable de pouvoir transmettre le savoir à nos enfants
sans les
pousser comme nos patrons nous poussent... Si l'activité
confiée prend
du temps mais qu'elle ne requiert pas notre attention en continu,
pourquoi ne pas rester à côté en faisant autre
chose ? Cela m'arrive
parfois, je prend alors un livre ou j'écris. Et si on me
questionne, j'arrête ce que je fais et je répond.
C'était la même chose avec notre petite dernière, quand on l'assayait
sur le tapis avec quelques "jouets" à côté. On la
laissait découvrir seule ce qu'elle pouvait faire d'elle-même,
et on intervenait uniquement si elle se trouvait dans une posture dont
elle ne pouvait sortir toute seule. Se mettre à hauteur, c'est
aussi ne pas assister de façon systématique ceux qui
semblent en avoir besoin. Et être présent quand ils en ont
vraiment besoin.
Bibliographie
Quand mon bébé me parle - Stephan Valentin - Ed. Jouvence
Le quotidien avec mon enfant - Jeannette Toulemonde - Ed. L'instant présent
Elever nos enfants avec bienveillance - Marshall B. Rosenberg - Ed. Jouvence
Elever son enfant autrement - Catherine Dumonteil-Kremer - Ed. La plage
L'enfant - Maria Montessori - Ed. Desclée de Brouwer
Me débrouiller, oui, mais pas tout seul (du bon usage de l'autonomie) - Etty Buzyn - Ed. Albin Michel
Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que
les enfants parlent - Adele Faber et Elaine Mazlish - Ed. Relations plus
Parler aux ados pour qu'ils écoutent, les écouter pour
qu'ils parlent - Adele Faber et Elaine Mazlish - Ed. Relations plus
L'adolescence autrement - Catherine Dumonteil-Kremer - Ed. Jouvence
Jalousies et rivalités entre frères et soeurs - Adele Faber et Elaine Mazlish - Ed. Stock
Papa, Maman, écoutez-moi vraiment (pour comprendre les
différents langages de l'enfant) - Jacques Salomé - Ed.
Albin Michel
Le concept du continuum (à la recherche du bonheur perdu) - Jean Liedloff - Ed. Ambre