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Dernière mise à jour :
05/07/2009
Voir aussi
Masses virtuelles et
Boucles de masse
Présentation
Il existe une quantité impressionnante de montages
électroniques, parmi lesquels on trouve, entre autres, les
montages audio. Ces derniers peuvent être classés en deux
sous-familles : avec alimentation simple (avec une pile ou une
batterie, par exemple) ou avec une alimentation symétrique
(alimentation secteur double ou avec deux piles, par exemple). Les
réalisations audio se partagent également en deux autres
sous familles : à transistors ou à circuits
intégrés linéaires. Et dans les deux cas, on peut
avoir besoin d'une alimentation simple ou d'une alimentation
symétrique. Ce qui au bout du compte revient à dire que
l'on peut trouver les quatre cas de figure suivants :
- Montage à transistors avec alimentation simple
- Montage à transistors avec alimentation symétrique
- Montage à circuits intégrés avec alimentation symétrique
- Montage à circuits intégrés avec alimentation simple
Mettre bout à bout des montages des différents types ne
pose pas de problème particulier tant que chacun dispose de sa
propre alimentation. Mais voilà que vous décidez de
coupler un préampli pour guitare dont le schéma montre
qu'il se contente d'une simple pile 9 V, avec un égaliseur (ou correcteur de tonalité) dont
le schéma sournois impose une alimentation symétrique de
+/-15 V. Bien sûr, le tout doit être monté dans un
même boitier, et il semblerait idiot de ne pas utiliser une seule
alim pour ce beau petit monde. Alors, peut-on utiliser la tension
positive de l'alimentation symétrique pour alimenter le
préampli guitare ? Ou peut-on utiliser une alimentation simple
et unique pour le préampli et pour l'égaliseur ? C'est
à ce genre de question que cet article va tenter de
répondre.
Rappel sur les alimentations et les signaux audio
Avant de voir comment raccorder entre eux plusieurs montages, rappelons
brièvement comment un signal audio peut évoluer en
fonction du type d'alimentation d'un montage. Dans un montage avec
alimentation simple (unique), le signal audio est centré sur une
tension continue (normalement parfaitement) fixe, qui sert de "point
milieu". Dans la grande majorité des cas, cette tension centrale
est égale à la moitié de la tension d'alimentation
générale : si cette dernière vaut +12 V, le point
milieu est positionné à +6 V. Pourquoi ? Parce qu'un
signal audio est un signal alternatif qui évolue constamment,
avec des alternance négatives et des alternances positives, par
rapport à une référence qui peut par exemple
être la masse, de valeur "standard" 0 V. Afin de simplifier les
discussions qui vont suivre, utilisons pour nos tests un signal BF
sinusoïdal de fréquence 1 KHz et d'amplitude 4 V (8 Vcac).
Le graphe qui précède montre que ce signal évolue
continuement, montant et descendant régulièrement entre
-4 V et +4 V. Les alternances négatives concernent les "parties"
situées au-dessous de la ligne centrale 0 V, et les alternances
positives concernent les "parties" situées au-dessus de cette
même ligne centrale 0 V. Si un montage amplificateur à AOP
alimenté par une tension unique de +12 V (masse de
référence signal égale à 0 V) reçoit
ce signal, il y a fort à parier que ledit signal va subir
quelque déformation pas forcement agréable à
entendre (en supposant que le signal en question soit agréable
à entendre quand il est intact, ce qui n'est pas mon point de
vue). Les alternances positives devraient être correctement
traitées, mais les alternances négatives pourraient
être "rabotées" et ne plus passer, comme le montre le
graphe suivant.
Exemple avec amplificateur LT1078
Et encore, ce graphe peut rendre heureux car on y voit des alternances
positives (quasiment) intactes. Ce résultat, obtenu avec un AOP
de type LT1078, n'est pas celui que l'on peut espérer de notre
bon vieux LM741, qui présente une tension de déchet plus
coriace, comme le montre le graphe suivant, qui met en évidence
un niveau de sortie qui n'arrive pas à descendre en dessous de
1,5 V environ.
Cette tension de déchet varie selon les amplificateurs
utilisés, elle peut être supérieure à 1 V, limitée à quelques centaines de mV comme
elle peut être de quelques mV seulement avec les AOP de type
"rail-to-rail". Bien, le problème de la tension de déchet
est résolu, il suffit de choisir l'AOP qui va bien... Ah, j'allais oublier un détail insignifiant... Figurez-vous que des
amplificateurs vicieux, que l'on trouve en plus grand nombre dans la
jungle des AOP, ne se contentent pas de raboter les alternances
négatives, mais les
redressent, ce qui fait que l'on retrouve les alternances négatives transformées en alternances positives !
Rigolo, vous ne trouvez pas ? Oui, on peut trouver ça
drôle, ce comportement peut être mis à profit
pour réaliser un transposeur d'octave, puisque l'on
procède à un doublement de la fréquence d'origine.
Certes avec un résultat de mauvaise qualité car les
alternances redressées sont fortement amplifiées et
saturent méchament, mais c'est à expérimenter. Si l'on sort du domaine
des effets spéciaux (ou qu'on ne souhaite nullement s'y aventurer), cet
aspect des choses n'est guère réjouissant, si ce que l'on désire est
avant tout de conserver la forme de notre signal d'origine, en d'autres
termes lui apporter le moins de distorsion possible. Et pour ce faire,
retrouver en sortie de notre circuit, un signal dont les alternances
négatives ne sont pas plus déteriorées que les alternances positives.
Ce qui nous ramène à ce que nous disions en début de chapitre : avec
une tenson d'alimentation positive, il faut "transposer" l'intégralité
du signal dans une zone située entre les deux bornes d'alimentation, de
telle sorte que le signal puisse y tenir sans être tronqué. Pour
reprendre notre précédent exemple, notre signal BF
sinusoïdal de fréquence 1 KHz et d'amplitude 4 V (8 Vcac) peut être
traité dans une zone entièrement positive. Ce qui veut bien sûr dire
que les alternances "négatives" possèdent alors une amplitude positive
en toute circonstance. Le fameux point de référence de 0 V est
transposé en même temps avec tout le reste, ce qui le rend positif lui
aussi. Le graphe qi suit montre une telle "transposition" de notre
signal BF de test, dans une zone plus positive que celle d'origine :
La totalité du signal est transposée "vers le haut" d'une valeur de +4 V :
- la crête de l'alternance positive qui était à l'origine de +4 V, passe à +8 V;
- la crête de l'alternance négative qui était à l'origine de -4 V, passe à 0 V;
- la tension de référence - masse "réelle" - qui était à l'origine de 0 V, passe à +4 V et devient une masse "virtuelle".
Si vous avez bien compris ce qui a été dit précédemet au sujet des
tensions de déchet, vous aurez compris que cette transposition de +4 V
pose forcement un problème avec un AOP dont la tension de déchet est
élevée : le point culminant de la crête négative "plafonnera au niveau
du plancher" non pas à zéro volt comme ce devrait être le cas avec
notre exemple, mais à une valeur min de quelques centaines de mV ou
plus de 1 V. Si la valeur de la tension de déchet est à peu près la
même côté tension maximale (pôle plus alimentation) et côté tension
minimale (0 V), l'idéal est de placer la tension de transposition à une
valeur égale à la moitié de la tension d'alimentation, par exemple + 5
V si l'alimentation est de +10 V. Avec l'exemple précédent, cela
donnerait la chose suivante.
Le graphe qui précède montre que la totalité du signal est cette fois
transposée "vers le haut" d'une valeur de décallage de +5 V :
- la crête de l'alternance positive qui était à l'origine de +4 V, passe à +9 V;
- la crête de l'alternance négative qui était à l'origine de -4 V, passe à +1 V;
- la tension de référence - masse "réelle" - qui était à l'origine de 0 V, passe à +5 V et devient une masse "virtuelle".
Cette façon de faire montre bien que la marge dont on dispose côté
négatif et côté positif s'est étendue de façon "équilibrée", et qu'elle
permet une plus grande excursion du signal de sortie. En d'autres
termes, on peut donner au signal de sortie une amplitude plus élevée
avant qu'un écrêtage commence à raboter ses formes arrondies en haut ou
en bas (ce serait dommage, surtout si on est en été).
Remarque : dans tous les cas de figure - centrage sur 0 V, centrage sur +4 V ou centrage sur +5 V, l'amplitude crête à crête
du signal (écart entre niveau le plus faible et niveau le plus
fort) conserve toujours la même valeur de 8 Vcac.
Masse alim et masse signal
L'exposé qui précède n'était qu'un rappel, certes un peu long mais
nécessaire pour bien comprendre ce qui suit. Le problème des potentiels de masse
s n'a pas encore été abordé et c'est maintenant que tout se joue. "Masse
s"
au pluriel, pourquoi donc ? Parce que dans un montage électronique, la
masse de l'alimentation (point de référence) n'est pas forcement la
masse du signal à traiter. Cela est plus vrai pour les montages à
alimentation simple, car dans un montage avec alimentation symétrique,
les deux masses alim et signal sont quasiment toujours confondues. Les
trois synoptiques suivants montrent trois cas d'utilisation possible
des masses. Afin de différencier les masses alim et signal quand elles
sont séparées, j'ai arbitrairement choisi de les nommer M1 (masse alim)
et M2 (masse signal) dans les synoptiques qui suivent. La masse commune
est quand à elle simplement nommée M.
Remarque : le fait de définir
un point de référence pour l'alimentation et/ou pour le signal utile
est une affaire de convention. Quand on prend une pile de 9 V, on peut
dire que son pôle "plus" est la référence et dans ce cas, son pôle
"moins" devient une tension négative. Si à l'inverse on utilise son
pôle "moins" comme référence, on dispose d'une tension positive. Dans
les deux cas, la différence de potentiel est la même entre ses deux
pôles. Dans le cas qui nous concerne, c'est un peu la même chose, il
faut juste savoir ce qu'on prend comme référence, le but étant de
savoir de quelle façon on travaille pour ne pas provoquer de dégat
malheureux quand on combine plusieurs sous-ensembles constitués
différement.
Montage à alimentation symétrique, masse alim et masse signal communes
Le synoptique qui suit montre un système classique d'amplificateur
alimenté avec deux tensions opposées en polarité (le terme
"amplificateur" peut être remplacé par "préamplificateur", "égaliseur",
"compresseur" ou tout autre circuit du genre).
Masse alim et masse signal communes
Dans ce type de configuration, les choses sont très simples : le signal
audio, constitué d'alternances positives et négatives, peut évoluer
librement de part et d'autre du point de référence qui est la masse M.
En entrée comme en sortie, point d'obligation de placer un
condensateur de liaison,
car en absence de signal d'entrée, la tension de sortie est faible ou
nulle. A moins que les circuits utilisés dans le montage apportent une
tension continue parasite (offset) non négligeable, qui faut alors
bloquer.
Montage à alimentation simple, masse alim et masse signal communes
Le synoptique suivant met en oeuvre un amplificateur travaillant sous
tension unique de +12 V. Comme vu précédement, on superpose au signal
BF entrant, une tension continue égale à la moitié de la tension
d'alimentation, afin que les alternances négatives aient autant droit
de parole que les alternances positives. Pour ce faire, les deux
résistances R1 et R2 divisent la tension d'alimentation par deux, et la
superpose au signal BF. Comme cette tension continue additionnelle peut
être gênante pour l'étage qui précède, et aussi parce que l'étage qui
précède peut amener une tension continue, un condensateur de liaison C1
est ajouté en entrée.
Masse alim et masse signal communes
Un autre condensateur de liaison est inséré en sortie, car
l'amplificateur restitue au repos la mi-tension d'alimentation, dont on
n'a que faire pour la suite des opérations.
Montage à alimentation simple, masse alim et masse signal séparées
Ce troisième type de configuration est lui aussi bien répandu. Là, la
masse signal est décorélée de la "masse" de l'alimentation, qui n'est
alors plus vraiment vue comme une masse, mais comme une alimentation
négative virtuelle.
Masse alim et masse signal séparées
Là encore, tout n'est question que de référence et de convention. La
masse virtuelle M2 permet de disposer d'une tension d'alimentation
moitié de l'alimentation globale (+6 V à partir de +12 V), et si on
regarde les choses de cet emplacement précis, on dispose "au-dessus"
d'une tension positive de +6 V, et "au-dessous" d'une tension négative
de -6 V. Ce qui nous ramène à une situation identique à celle
rencontrée avec une alimentation symétrique ! La grande différence
réside dans l'impédance au point de la source médiane M2. Si elle est très
faible, l'ensemble peut être vu comme un circuit fonctionnant avec une
alimentation symétrique. Il est très important de noter que l'impédance
de cette source M2 doit être la plus basse possible, pour assurer à la
tension produite une excellent stabilité face aux variations de courant
du montage. Si le montage ne consomme que très peu de courant,
l'impédance de sortie de la masse virtuelle peut être "élevée" sans que
cela pose gros problème. Il n'est pas rare de rencontrer un simple pont
diviseur résistif constitué de deux résistances de valeur comprise
entre 10 KO et 100 KO ! Un petit plus est tout de même notable si on
emploie un AOP pour abaisser la valeur de cette impédance de
sortie. C'est ce qui est montré sur le synoptique précédent et montré de façon pratique ci-après.
En résumé...
Dans un montage alimenté sous tension unique, il est important de
vérifier si la masse du connecteur d'entrée et du connecteur de sortie
sont raccordées au pôle "négatif" de l'alimentation, ou si elles sont
raccordées à un potentiel médian, au travers d'une masse virtuelle.
Cela n'a aucune importance tant qu'on utilise le montage avec sa propre
alimentation, mais révèle tout son pouvoir destructeur potentiel si on
veut l'associer à un montage autrement constitué. Ce que nous verrons
dans les cas concrets décrits par la suite.
Cas concret N° 1
Ce premier exemple pratique pose le problème du raccordement d'un
montage préampli
guitare à AOP alimenté sous tension simple +9V, avec un égaliseur
travaillant
sous tension symétrique de
+/-15 V. L'auteur des deux montages indique que la tension du préampli
guitare peut être augmenté sans problème jusqu'à +12 V, et que la
tension de l'égaliseur peut être descendue à +/-12 V. C'est ainsi que
vient à l'esprit la possibilité d'utiliser la branche +12 V de
l'alimentation de l'égaliseur pour alimenter le préampli guitare, ce
qui permet(trait) d'économiser une alimentation simple. Cela est-il
possible ? Pour le savoir, il suffit de ragarder les deux schémas quand
ils sont séparés (chacun avec leur propre alimentation) et quand ils
sont regroupés (avec une alimentation commune).
Montages séparés (chacun avec sa propre alimentation)
Les deux montages peuvent être reliés ensemble via une liaison BF
blindée, établie entre la sortie du préampli guitare et l'entrée de
l'égaliseur. La masse M de l'égaliseur est reliée à la masse M2 du
préampli, et tout fonctionne bien.
Montages associés (alimentation commune)
Dans le but
d'économiser une alimentation, les deux montages sont maintenant reliés
ensemble au travers de deux liaisons distinctes :
- liaison d'alimentation, avec mise en commun du 0 V de l'alimentation
de l'égaliseur (masse M) avec le 0 V alim du préampli (masse M1), et
mise en commun des lignes +12 V, représentées par les liaisons rouge et
noire en gras;
- liaison BF par câble blindé, avec mise en commun du 0 V de
l'alimentation de l'égaliseur (masse M) avec la masse signal du
préampli (masse M2), représentée par la liaison bleue en gras.
Et là, on voit tout de suite le problème : la masse électrique 0 V
(masse M1) du préampli se trouve court-circuitée avec la masse signal
(masse M2) de ce même préampli, au travers de la masse unique de
l'égaliseur (masse M). De fait, on court-circuite la tension médiane de
6 V avec le 0 V, et le préampli ne peut plus fonctionner correctement.
Pire, si la masse virtuelle est réalisée avec un circuit à basse
impédance de sortie, on risque de détruire un ou plusieurs composants.
Alors, comment faire ?
Il faut raccorder le point 0 V de l'égaliseur (M) avec le point 0 V du
préampli (M1), et ne pas effectuer de liaison avec la masse de sortie
ou d'entrée du préampli
En procédant ainsi, on dispose d'un signal BF en sortie du préampli qui
évolue autour de la tension médiane de +6 V, et qui sera recentrée sur
0 V au niveau de l'égaliseur. Le préampli dispose toujours de sa masse
virtuelle M2, indispensable pour son bon fonctionnement, mais cette
dernière est désormais rendue "invisible" de l'étage suivant.
Attention : vérifier aussi que
la masse du connecteur d'entrée du préampli est bien isolée du chassis
si ce dernier est métallique, surtout si le connecteur de sortie de
l'égaliseur à sa masse reliée au chassis. Il serait bête de refaire la
liaison interdite par un chemin détourné...
Le schéma qui suit est volontairement très simplifié, mais il suffit
pour montrer un cas pratique qui accroche le principe de ce qui a été
dit précédement.
U1 est un double AOP alimenté sous tension simple, dont la première
moitié (U1:A) est utilisée en amplificateur de tension, et dont la
seconde moitiée (U1:B) est utilisée pour produire la masse virtuelle
M2. U2 est un AOP simple monté en amplificateur de tension, et qui
"représente" le circuit égaliseur, alimenté sous tension symétrique.
Côté masses, les deux sections sont reliées entre elles grâce au
raccord électrique entre M et M1. M2 travaille seule dans son coin, ce
qui est bon pour sa survie.