Electronique > Connectique > Réalisations > Faire (ou refaire) soi-même ses câbles audio

Dernière mise à jour : 08/10/2017

Présentation

On trouve toutes sortes de câbles prêts à l'emploi dans le commerce, alors pourquoi s'embêter à les faire soi-même ? Est-ce plus économique ? Plus sûr ? Depuis très longtemps, je fabrique moi-même mes câbles, même si bien sûr il m'arrive parfois d'en acheter des tout faits. Les premiers que j'ai réalisés (j'avais 14 ans) prêtent à sourire. Mais je les garde précieusement, et les ressors chaque année dans mes cours sur les connectiques. Pour montrer à mes élèves comment je travaillais à mes débuts, et ce qu'il ne faut pas faire.

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Je précise qu'à l'époque, je faisais (j'apprenais) ça tout seul et sans Internet !

Pas tous les câbles, tout de même...
Si la plupart du temps je réalise moi-même mes câbles BF, j'éprouve toutefois une certaine réticence devant les connecteurs dont le nombre de broches au millimètre carré impose l'utilisation simultanée d'une double loupe et de quatre paires de lunettes. Je reste donc raisonnable, et me limite aux câbles avec connecteurs RCA, jack (3,5 mm et 6,35 mm), XLR et sub-D 25 points. HDMI, non merci !

Tout le monde est capable !
Tout le monde peut faire ses propres câbles, il suffit d'avoir :
Ca fait beaucoup, mais ça se trouve facilement ;-)

Les bons outils

Un fer à souder premier prix convient pour des soudures occasionnelles, mais pas pour faire des soudures de qualité dans des contextes variés. Petites soudures et grosses soudures réclament des soins différents.

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L'investissement dans un fer à souder de qualité est nécessaire pour qui s'implique sérieusement dans le soudage de composants ou de connecteurs de tailles diverses. Préférez un fer à souder de marque, éventuellement avec plusieurs pannes (embouts) de tailles différentes. Il vous faut aussi une pince coupante et de quoi dénuder les câbles (pince à dénuder pro ou simple couteau d'électricien - cutter fortement déconseillé). Une troisième main ou un étau peuvent aussi être fort utiles pour tenir le connecteur en cours de soudage ! Voici à titre d'exemple, deux connecteurs mini-jack (même marque, même type) soudés par une même personne (un de mes élèves) mais avec deux fers à souder différents :

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Connecteurs jacks soudés avec un fer "électricien" (très) bas de gamme

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Connecteurs jacks soudés avec un fer "électronique" entrée de gamme

Sincèrement, si je ne vous l'avais pas dit, auriez-vous pu imaginer que ces deux jacks pouvaient avoir été soudés par la même personne, à 15 minutes d'intervalle ?

Les bons connecteurs

Il existe plusieurs variantes d'un même type de connecteur (jack 6,35 mm par exemple). Certains connecteurs sont plus solides que d'autres, plus facile à souder et plus ou moins aptes à être éventuellement ressoudés. En règle générale, les connecteurs les plus robustes sont aussi les plus chers. Si vous débutez dans le soudage, je vous déconseille les connecteurs premiers prix, qui auront peut-être un peu de mal à résister à vos "hésitations". Les marques Neutrik et Amphenol sont deux marques réputées pour le sérieux de leurs connecteurs, mais il en existe d'autres, tel que Hicon ou Switchcraft. Rean (sous-marque de Neutrik) propose des connecteurs "bon marché" mais aussi plus fragiles, qui conviennent mieux à un usage fixe (leurs connecteurs jack 3,5 mm ne résistent pas très longtemps en utilisation nomade "sévère").

Blocage/verrouillage du câble dans le connecteur
Un câble peut malencontreusement être tiré par accident alors que son connecteur est encore dans son embase. Si le câble est solidement retenu dans son connecteur, alors le risque d'arrachement du câble est moindre. Plusieurs méthodes existent pour (re)tenir le câble :

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Le diamètre du câble (gaine comprise) doit être compris dans la fourchette de valeurs indiquée par le fabricant du connecteur. Par exemple, le connecteur Neutrik NP2XB est prévu pour des câbles de diamètre compris entre 4 mm et 7 mm (on peut utiliser un câble de diamètre inférieur à 4 mm, mais son maintien ne sera alors pas garanti. Et un câble de diamètre supérieur à 7 mm risque de rendre l'assemblage difficile et délicat, si pas impossible).

Broches dorées ou non ?
C'est vrai, les broches dorées ne s'oxydent pas, contrairement aux broches argentées. J'ai eu entre les mains plusieurs fiches et embases XLR de marque (Cannon, Neutrik) qui avaient mal vieilli et dont l'oxydation était si avancée qu'il m'avait semblé préférable de les remplacer par des neuves. C'était plus du préventif que du correctif, puisqu'il n'y avait pas de défaillance (défaut sonore) sur la chaine du signal. Et puis un jour, quelqu'un m'a dit "Les fiches non oxydées sont plus jolies, mais l'oxyde d'argent est conducteur et ne pose pas de problème". Ah ! J'avais donc eu l'occasion, une fois de plus, de travailler sans savoir ce que je faisais...

Les "bons" câbles

Quelle marque de câble choisir ? Belden ? Klotz ? Mogami ? Sommer ? Cordial ? Canare ? Autre ?
Pour commencer, rappelons l'évidence : ce qu'on appelle un bon câble est un câble adapté à l'usage qu'on en fait. Dit autrement, un câble qui se révèle excellent pour un usage particulier, peut être totalement inadapté pour un autre usage. Quelques exemples concrets :
La transmission de signaux électriques de fréquence élevée (audionumérique et signaux HF par exemple) nécessite l'emploi de câbles adaptés en impédance (50 ohms, 75 ohms, 110 ohms ou 120 ohms selon l'application). Pour vos liaisons avec un microphone analogique, préférez un câble "spécifique microphone" (blindage plus efficace, avec tresse de masse "pleine").
En dehors de l'aspect purement technique d'un câble (avec les détails qui vont suivre), il ne faut pas oublier que ce qu'on attend aussi de lui est sa robustesse. Robustesse au temps, aux températures extrêmes, à l'écrasement, aux dures manipulations avant/après un événement, à la bière qui a coulé dessus...  Bon, dans un studio, les risques sont à priori moindres.

Câbles "adaptés à l'usage", mais tout de même de mauvaise qualité ?
Pour un type de câble donné et choisi dans la catégorie qui va bien, il existe bien évidement différentes qualités. Les câbles audio économiques possèdent un blindage souvent douteux (pas assez de cuivre pour une tresse pleine/fermée) et un diélectrique qui ne tient pas ses promesses (de bon isolement) pendant de longues années. C'est vrai pour les câbles tout faits avec connecteur, mais aussi pour les câbles au mètre. L'évolution des performances d'un câble dépend des conditions d'utilisation (stress mécanique et thermique) et est difficile à évaluer. Pour une utilisation professionnelle, il faut impérativement utiliser du câble de marque. Et c'est bien sûr ce que les professionnels font (les marques Belden, Klotz et Mogami leur parlent bien).

Des câbles "signaux et secteur tout en un" ?
Oh, des câbles qui comportent des conducteurs pour signaux audio et des fils séparés pour le secteur...

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Pratique, ça ! Oui, sauf que ce type de câble n'est pas toujours recommandé ! Une des règles d'or de la CEM (Compatibilité Electro Magnétique) stipule qu'on doit toujours séparer les câbles qui véhiculent des signaux "sensibles" de ceux qui véhiculent de la "puissance". Evitez donc ce type de câble pour des liaisons microphone, même si les liaisons audio sont blindés et que les fils secteurs sont parcourus par un courant de faible intensité. Par contre, c'est tout-à-fait utilisable pour des retours amplifiés (audio analogique niveau ligne), pour des liaisons audionumériques AES ou pour des liaisons DMX (dans les deux derniers cas, vérifier que l'impédance caractéristique du câble est bien de 110 ohms).

Câbles symétriques double (2 x mono ou 1 x stéréo)
Il existe plusieurs types de câble avec 4 conducteurs (2 paires) en plus de la masse :
- le multipaires avec 2 paires dans une seule gaine, et une masse séparée pour chaque paire
- le multipaires avec 2 paires dans une seule gaine, et une seule masse commune
- le double paire avec une paire dans deux gaines accolées et scindables

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En règle générale, il est conseillé d'avoir une masse séparée pour chaque paire de conducteurs. Cela simplifie la "gestion" des masses (et de ses horribles boucles), simplifie la pose de connecteurs, et de plus limite la diaphonie. Le double paire avec une paire dans deux gaines accolées et scindables est drôlement pratique pour les liaisons symétriques stéréo (sortie synthé, ordi ou tablette via des boîtes de direct). Un seul câble à ranger au lieu de deux, c'est toujours apprécié (ceux qui manipulent souvent des multipaires savent de quoi il en retourne).

Caractéristiques techniques
Tous les fabricants n'utilisent pas les mêmes techniques de fabrication, et n'ont pas forcément non plus la même opinion sur la "transparence sonore" attendue d'un câble. Mais les faits sont là : un câble est composé d'au moins deux conducteurs isolés l'un de l'autre, et cela ajoute des composantes parasites dans le trajet du signal. C'est ainsi qu'un câble se caractérise par une capacité parasite, une résistance parasite et une inductance parasite (en basse fréquence, cette dernière est généralement négligeable). Ces composantes parasites "colorent" le son, d'une manière normalement peu marquée et indiscernable pour beaucoup d'oreilles et pour nombre d'applications. Mais il ne faut pas oublier que ces câbles ne travaillent pas seuls; ils sont reliés à des appareils (sources audio et récepteurs) et avec eux ils forment un tout. Ce tout peut impliquer une modification de la bande passante (baisse des aigus par exemple) ou encore une résonnance à une fréquence particulière. Et là, même une oreille peu exercée peut percevoir des différences en fonction des câbles utilisés... Il est sans doute plus aisé d'entendre des différences de qualité entre différents câbles, quand on travaille avec de grandes longueurs de câbles, et avec des sources de très faible niveau (micro à ruban ou dynamique peu sensible) ou des sources telles que guitares passives raccordées à une entrée haute impédance (Hi-Z, Instrument). Dans le cas de signaux au niveau ligne et sur quelques mètres, il est beaucoup moins évident de faire la différence !

Capacité au mètre
La capacité au mètre représente la valeur capacitive parasite (exprimée en pF, picoFarad) qui existe entre les deux conducteurs centraux (âmes), et/ou la capacité parasite qui existe entre le ou les conducteurs centraux (âmes) et le blindage. L'atténuation des signaux de fréquence élevée est d'autant plus grande que la capacité parasite du câble est élevée (la notion de fréquence élevée n'est évidement pas la même pour des signaux audio analogique - bande passante jusqu'à 20 kHz, et pour des signaux numériques ou HF de plusieurs MHz ou centaines de MHz). Exemples (pour ordre de grandeur) :
La capacité parasite du câble, associée à l'impédance de sortie de la source (et dans une moindre mesure à l'impédance d'entrée du récepteur) forme un filtre passe-bas "simple".  Si la fréquence de transition de ce filtre entre dans la bande audible, alors il y a bien un risque qu'on entende ses effets. Mais n'exagérons rien, vous ne discernerez très certainement pas une chute de niveau de -1 dB à 18 kHz.

Résistivité au mètre
La résistivé ohmique d'un câble dépend de sa section et de sa longueur (et bien sûr aussi du matériau) :
Exemples (conducteurs en cuivre) :
Cette résistance-là ne risque pas de provoquer une forte atténuation du signal électrique transmis, à moins de travailler sur plusieurs km et avec des équipements "600 ohms" aux extrémités ;-)

Type de blindage
Blindage par feuillard alu, ou par tresse de cuivre ? La tresse en cuivre est bien plus efficace que la feuille alu, mais elle fait grimper le coût de fabrication. C'est pourquoi les câbles "économiques" possèdent le plus souvent un feuillard en alu et pas de tresse en cuivre. Mais attention, tresse en cuivre n'est pas synonime de qualité absolue. Il existe bel et bien des câbles insuffisament blindés, où les fils de cuivre servant de masse ne recouvrent pas entièrement le ou les conducteurs qu'elle est censé protéger. Les deux photos de gauche qui suivent montrent un tel cas de figure, on distingue sans problème la couleur de la gaine des âmes ! Pas terrible comme protection...

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Les deux photos de droite (ci-avant) montrent une tresse de masse un peu plus sérieuse, qui cache complètement l'âme (pas complètement sur la photo car j'ai tiré dessus). C'est tout de même mieux ! A noter tout de même, histoire d'en rajouter une couche, qu'il existe aussi des câbles blindés avec feuillard et tresse de masse, pour l'audio, la vidéo, l'USB, la HF, etc, mais aussi pour le secteur (oui, oui) ! Avec le feuillard et la tresse de masse par-dessus (tresse en cuivre nu ou avec couche d'argent), l'âme est entièrement blindée. Mais évidement, si c'est mieux, ça coûte aussi plus cher... Et encore, je ne parle pas des câbles blindés à 4 blindages... ou plus !

Rigidité mécanique / souplesse
Les câbles audio sont quasiment tous composés de plusieurs brins de cuivre (appellation multi-brins). Selon les matériaux utilisés (isolant, gaine, fils de coton amortissant) et la méthode de fabrication employée pour le blindage et les fils conducteurs, les câble sont (plus ou moins) rigides ou (plus ou moins) souples. Les câbles trop rigides sont moins adaptés à une utilisation nomade. Ils vrillent et torsadent, et avec le temps ils deviennent de plus en plus difficiles à lover (enrouler). Pour une installation fixe, ce n'est pas un gros problème. La notion de souplesse d'un câble peut être évaluée/pressentie si le fabricant indique la composition des fils. Par exemple :
Les nombres 7, 26 et 64 représentent la quantité de brins pour un conducteur, le nombre qui suit est le diamètre de chaque brin. Plus le nombre de brins est élevé et leur diamètre faible, et plus le câble est souple.

Effet microphonique
Les câbles blindés sont affectés d'un effet de microphonie plus ou moins prononcé, qui se traduit par des variations électriques (et donc apparition de son parasite) quand on les manipule ou tape dessus. L'effet est en partie lié à la capacité parasite entre l'âme et le blindage (avec un isolant entre les deux qui n'est pas de l'air), capacité qui peut être comparée à celle d'un micro electret dans lequel l'isolant est de l'air. Imaginez simplement que l'âme (armature #1 condensateur) ne bouge pas, et que le blindage (armature #2 condensateur) "s'enfonce" quand on tape dessus. Si les deux armatures de ce condensateur parasite sont soumises à un champ électrique, on a bien l'effet "microphone". Mais quel champ électrique ? Celui créé, par exemple, par un champ magnétique environant. Ou encore par les frottements entre isolant du câble et blindage (et qui dépend de la "souplesse" des matériaux), ou plus simplement encore du câble qui bouge contre le sol... L'effet est plus audible quand la liaison se fait à haute impédance (entrée ampli guitare par exemple), mais cela s'entend aussi avec un simple câble micro "classique" de quelques mètres relié à une entrée micro de console (impédance d'entrée généralement comprise entre 1 kO et 4,7 kO). Mes élèves sont toujours surpris quand je parle "dans le câble" (micro débranché) et qu'ils m'entendent dans les HP amplifiés ! Tiens, c'est curieux, les câbles micro estampillés "Low-noise" sont moins microphoniques... Serait-ce du au revêtement interne en carbone plaqué sur l'isolant ?

Réaction de l'isolant à la chaleur (au moment du soudage)
Certains câbles possèdent un isolant qui se rétracte beaucoup (trop) au moment où on soude le fil. Et ça, c'est vraiment très casse-pied ! On ne trouve pas cette information dans la fiche techique du câble. On la lit plutôt dans les avis laissés dans des forums par les utilisateurs, ou on s'en rend compte une fois qu'on a le matériel en main.

Câbles sans oxygène ?
Les câbles en cuivre sans oxygène (OFC) ou avec une teneur très réduite en oxygène, s'oxydent moins vite. Ce point est d'autant plus important quand on achète des rouleaux de 100 mètres qu'on n'utilise pas tout de suite. J'ai ressorti du garage des vieux câbles blindés qui n'avaient pas servi depuis plus de 20 ans, ces derniers étaient oxydés sur toute leur longueur (soudage impossible, poubelle).

La confiance en soi

J'ai donné des cours de maintenance (recherche de pannes, initiation au soudage) à des centaines d'élèves. Leur discours, avant même toute tentative de réalisation d'un câble BF, est quasiment toujours le même : "je vais faire de la m...". Et ma réponse est "Si c'est le cas, ce ne sera pas de votre faute, mais de celle de vos outils". bien sûr, pour faire de bonnes soudures il faut un minimum de pratique. Les premières soudures sont généralement moins réussies que les suivantes, ce qui est normal puisqu'elle font partie d'un processus d'apprentissage ! Nombre d'élèves, après avoir vu qu'ils étaient capables de faire un câble audio de A à Z, ont ensuite ressorti un casque, un micro, une guitare ou un HP amplifié victime d'un problème de connectique... pour tenter de le réparer !
Ouf, le message est passé, on peut combattre certaines formes d'obsolescence (programmée ou non) !